La vie dans une communauté aborigène d'Australie occidentale - partie 2
« C’est ce que nous pensons déjà connaître qui nous empêche souvent d’apprendre. »
Pour ceux qui prennent le train en marche :
Ce texte est la suite d’un précédent qui donne le contexte historique de la communauté aborigène dans laquelle je me situe actuellement, et la raison pour laquelle je m’y trouve.
Il ne s’agit pas d’une histoire drôle, mais d’une réalité invisible et silencieuse qu’il me tient à coeur de partager avec vous.
Au-delà des apparences
Dans notre imaginaire collectif occidental, la richesse ou la précarité d’un quartier se mesure souvent à des critères visuels tels que l’état des habitations, la propreté des rues, la présence de graffitis ou de déchets.
Selon cette grille de lecture, plus un lieu semble négligé, plus il est perçu comme “pauvre”.
A en suivre cette logique, Balgo pourrait donner l’impression d’une extrême précarité.
Or, il n’en est rien.
Et c’est ce que je vais tenter de vous expliquer aujourd’hui.
La politique gouvernementale en bref
La fin des années 60 a marqué un tournant pour les aborigènes dans le traitement inhumain dont ils étaient victimes depuis près de 200 ans par les colons britanniques.
1967 : “ah coucou on ne vous avait pas vus”
En 1967, un référendum conduit à l’inclusion des Aborigènes dans les recensements nationaux.
Pour vous la faire courte, cela veut dire qu’avant ce référendum, les Aborigènes n’étaient personne pour l’Etat.
En fait, c’était carrément le cas aux yeux des Anglais qui ont pris possession de l’île en la déclarant “Terra Nullius” - soit en latin : “Terre sans maître”
1976 : “et si on les faisait taire en leur donnant de l’argent?”
En 1976, l’”Aboriginal Land Right Acts” reconnaît un droit automatique à la terre des peuples aborigènes dans le Territoire du Nord (un des six Etats australiens).
Et qui dit reconnaissance de propriété, dit money.
Naissent alors les “royalties”, comparables au loyer qu’un locataire payerait à son propriétaire.
Sauf qu’ici, les locataires, ce sont les exploitations minières.
1993 : “vous, propriétaires? prouvez le”
En 1993, le Native Title Act reconnaît aux aborigènes, de tout le territoire (et non pas uniquement aux Territoires du Nord) de pouvoir être reconnus propriétaire de leurs Terres, à condition de le prouver.
Histoire que vous comprenez bien l’absurdité de la situation, je vous dirais que c’est comme demander à un kangourou de prouver qu’il est né en Australie, à défaut de quoi il devra quitter le territoire.
Pour rappel, avant l’arrivé des Anglais, les aborigènes étaient des chasseurs cueilleurs nomades, qui prônaient le détachement matériel, qui ont été déracinés, rendus à l’état d’esclaves, et brisés, pour les plus “chanceux”.
Autant vous dire que les photos de familles, les actes de notaire et les tableaux Excel c’était pas trop leur truc.
Résultat de cette politique
En 2019, on estimait à 37 % le territoire australien appartenant aux aborigènes.
Risible non, quand on sait que 100% de la Terre leur appartenait auparavant ?
En 2024, une population autochtone a obtenu gain de cause après onze ans : onze ans d’enquête, de procédure et de négociation.
Ha, elle est belle la justice !
Les royalties
Depuis 1976, certains aborigènes reconnus propriétaires de leurs terres perçoivent donc des “royalties”.
Il s’agit d’une compensation financière pour l’exploitation de leurs terres ancestrales par des industries minières ou gazières, perçue chaque semaine ou chaque mois (selon les peuples et les Etats).
En outre le Gouvernement, pris de culpabilité, tente de se racheter en leur finançant des maisons, du matériel électroménager, électronique, des infrastructures, des projets éducatifs et culturels au sein des communautés aborigènes (soit les anciennes missions).
Un starter-pack pour bien vivre dans la société blanche somme toute !
Lequel est évidemment bien mal adapté aux réalités sociales, historiques et spirituelles de ces peuples, en plus d’alimenter des discours haineux de personnes de type tonton super raciste.
L’inefficacité évidente de cette politique
Une des raisons principales qui m’a faite quitter les cabinets d’avocats est qu’il m’apparaissait que l’argent n’avait aucun pouvoir réparateur sur les traumatismes subis par les individus.
Ceci se confirme encore plus en Australie : comment peut-on légitimement croire que l’argent et les biens matériels peuvent réparer le mal fait à un peuple non-matérialiste, persécuté, réduit en esclavage, décimé, et privé de ce qui constituait le cœur de sa culture : son territoire avec lequel celui-ci entretient une profonde connexion spirituelle ?
Après deux semaines ici, j’ai le sentiment que les habitants des communautés aborigènes sont prisonniers d’une situation chaotique, dont les principaux éléments sont les suivants :
- Le travail
Au sein des communautés aborigènes, l’immense majorité des individus ne travaille pas.
Plusieurs explications à cela :
L’argent qu’ils perçoivent ne les pousse pas à aller à l’école, à se former, à travailler puisqu’il est amplement suffisant pour vivre,
La notion de travail est compliquée à comprendre pour les descendants d’un peuple qui passait trois ou quatre heures à chercher de la nourriture, et le reste de leur journée à méditer ou philosopher en groupe,
Beaucoup d’entre eux souffrent de traumatismes ou maladies psychiques les rendant inaptes au travail.
De ce fait, il leur est quasiment impossible de s’intégrer dans la société civile régie par le travail, le matérialisme et le profit.
Quand ils parviennent à quitter les communautés, un nombre considérable d’entre eux sombre donc dans la drogue et l’alcool, nourrissant alors la vision générale des aborigènes dont la plupart serait drogués et alcooliques.
- La maison
Bien que le gouvernement leur donne des maisons dans lesquelles vivre, celles-ci ont très peu de valeurs pour ces peuples qui ont toujours vécu dehors.
S’ajoute en outre un isolement de la société qui fait que les maisons ne font que de se détériorer dans le temps, faute de pouvoir avoir accès à des services tels que plombier, électricien, etc.
- L’argent
Leur rapport à l’argent est par ailleurs drastiquement différent du nôtre puisque un des fondements de la culture aborigène est le partage, que l’on retrouve dans tout fonctionnement tribal.
Ici, tout se partage entre familles : la nourriture, la maison, l’argent.
On m’a rapporté – et j’ai pu le constater – que l’argent est souvent dépensé dans les deux jours qui suivent son versement.
Au centre d’art, tous les vendredis matins c’est “money day”, soit le jour où les artistes reçoivent une partie des ventes de leurs oeuvres après un entretien avec la manager qui évalue le montant à leur verser en fonction de leurs besoins du moment.
Bien qu’il soit connu de tous que l’argent n’est versé QUE le vendredi, chaque jour des personnes (artistes comme des membres de leurs familles) viennent réclamer un versement supplémentaire.
Ils oscillent donc constamment entre des états d’abondance temporaire et précarité.
Pour ma part, j’ai tendance à être fortement agacée par cette immixtion qui est ni plus ni moins qu’un résultat du système colonial.
Il est facile d’arguer qu’ils “ne savent pas gérer leur argent” ou qu’ils n’ont pas les compétences pour le faire. Mais tant que les structures les empêcheront de le faire, comment peuvent-il les développer ?
Et ceci s’applique malheureusement à bien d’autres choses au sein de la communauté, à commencer par mon poste au centre d’art.
Mais semble-t-il que ce ne soit pas si facile à en croire mes collègues qui, je n’ai pas l’ombre d’un doute, sont pleines de bonne intentions.
Alors j’imagine que mon jugement est un peu trop hâtif.
- L’éducation
L’éducation est un sujet capital en matière de colonialisme puisque proposer un modèle d’éducation blanche occidentale aux aborigènes revient à considérer qu’ils ne sont pas éduqués.
Or, il s’agit d’une grosse erreur de jugement car ceux-ci sont éduqués : ils le sont simplement d’une autre manière, en accord avec leur tradition et mode de vie ancestral.
Vouloir éduquer les enfants aborigènes selon les normes éducatives de l’Etat revient donc à tourner le dos à leur culture afin que ceux-ci puissent s’adapter à la société blanche, ce qui à nouveau, est une politique coloniale. Une violence douce, mais réelle.
L’école peut alors être un point de rupture pour un enfant aborigène puisque celui-ci va apprendre l’histoire de son pays, à travers le regard des colons qui néglige sa culture : on y parle une langue qui n’est pas la sienne et on ignore ses ancêtres, ses récits et ses croyances.
Les enfants se retrouvent alors tiraillé entre deux mondes : trop différent pour s’intégrer pleinement à la culture dominante, et peu à peu déraciné de la sienne.
- Un retour impossible au mode de vie traditionnel
Bien qu’ils soient pour certains reconnus “propriétaires” d’une terre, la faune et la flore originelle de celle-ci ont été détruites par l’introduction de nouvelles espèces.
De ce fait, les connaissances ancestrales tirées des songlines ne s’appliquent plus toujours et il est quasiment impossible de survivre dans le désert uniquement par la chasse et la cueillette comme c’était le cas auparavant.
De plus, comment valablement envisager un retour au mode de vie traditionnel alors que leurs peuples ont déjà été contaminés par les vices de la société civile blanche : sucre, tabac, écrans, argent, drogues, alcool, médicaments, pour lesquels ils ont développé de vives addictions ?
- Un desempowerement
De tout cela découle un desempowerement total et absolument dramatique qui, je dois l’avouer, me trouble particulièrement.
Ici la vie est calme car le discours général est pessimiste et défaitiste : “il est trop tard”.
Ce qui est bien différent de ce que j’ai pu voir en Martinique où les mouvements indépendantistes font beaucoup de vagues et où il n’est pas rare de voir des inscriptions invitant les blancs à rentrer chez soi.
Ici, à aucun moment je me suis sentie en insécurité, contrairement à ce que je pouvais penser avant de venir. “Whitefella” et “blackfella” cohabitent harmonieusement.
Là encore, je ne sais pas quoi en penser.. Est-ce un apaisement ou de l’abandon ? Est-ce parce que je viens du pays de la Révolution et des Gilets Jaunes que je m’attends à voir surgir une révolte là où il n’y en a pas ?
Nul doute que beaucoup de choses m’échappent encore..
Apprendre à désapprendre
Une des choses majeures que le voyage enseigne, c’est à délaisser les jugements et les préjugés de sociétés dans lesquelles nous ne faisons que passer. Car voyager, c’est prendre conscience que le monde dans lequel nous vivons est parfois à des années lumières de celui dans lequel d’autres individus vivent.
La plus grande difficulté est de ne pas penser que notre société est meilleure que les autres, que nous sommes plus “avancés”, plus “développés” même si des choses peuvent être particulièrement déroutantes.
Ici le choc culturel est tel qu’il m’a été dit que je n’allais pas apprendre mais désapprendre : désapprendre mes croyances, mes certitudes, mes connaissances.
Et en étant française, cela s’applique deux fois plus car je dois dealer avec la société australienne et la société aborigène.
Être française à Balgo
Outre l’aspect sociétal, ne pas être anglophone au sein de cette communauté est une double peine.
Car ici les gens parlent un mélange d’anglais australien et de Kukatja (langue indigène principale parlée à Balgo mais il en existe sept autres).
Si certains parlent très bien anglais, il m’est très compliqué de comprendre les seniors qui constituent une bonne majorité de mes interlocuteurs.
Ce qui représente pour moi la plus grande difficulté puisque ce qui constitue l’essence de la culture aborigène, ce sont les stories.
Les stories
Au sein de cette culture, la politesse et le respect s’exprime de manière totalement différente : pas de “je te remercie” et “s’il te plaît” à tout va : on exprime sa gratitude à travers des “stories”, transmises oralement.
Une story peut être comparée à un mythe, à une histoire mettant en scène des ancêtres, des animaux, des créatures, des entités.
En racontant la story d’un lieu, on le fait vivre. Une forme de gardiennage culturel et spirituel en somme, au travers lequel on est invité à entrer en lien avec ce lieu, à le voir autrement.
Recevoir une story est un honneur. Ce n’est pas quelque chose d’anodin, encore moins si l’on n’est pas de la communauté.
A ce titre, on ne partage pas une story qui nous a été transmise car celle-ci nous a été transmise au regard de notre personne. De notre Spirit. De notre âme.
Recevoir une story, c’est considéré que :
l’on est digne de confiance,
on est capable d’écouter avec respect,
l’on pourrait porter et respecter cette connaissance.
Quand même plus badass que trente-huit “mercis” par jour non?
Un apprentissage oral
Outre un signe de gratitude, les stories constituent également leur moyen d’apprentissage dans la tradition orale aborigène.
On ne dit pas quoi faire, on raconte une story.
C’est alors à celui qui la reçoit d’y réfléchir, de ressentir et de comprendre ce qui se cache derrière.
Les stories font partie d’un système de savoir intergénérationnel qui ne sont généralement transmises qu’à certaines personnes, en considération de leur rôle, leur lien aux lieux ou aux ancêtres.
Recevoir une story en tant que blanc(he) est donc très fort symboliquement.
Des savoirs à valeur de trésors
Moi parfois j’ai juste envie de pleurer.
J’ai envie de pleurer car je prends conscience de la chance que j’ai de côtoyer les quelques rares et derniers “desert people”.
Ces êtres détiennent en eux des trésors et des valeurs inestimables qui je le crois sincèrement, révolutionneraient le monde à être davantage partagés.
Malheureusement, ces êtres s’éteignent jour après jour, en emportant avec eux bien des trésors.
La santé
A Balgo, la mort fait partie du quotidien et l’espérance de vie n’est pas élevée.
Car la majeure partie de leur alimentation est à base de sucre (taux de diabète énorme chez les aborigènes) et que l’eau à laquelle ils ont accès est tellement intoxiquée qu’elle crée des problèmes de reins.
Une des premières choses que l’on m’a dite en arrivant est de ne surtout pas boire l’eau du robinet. Et en voyant l’état des affaires que portent ma collègue - couvertes de tâches blanches comparables à des tâches de javel après être restées 3 heures dans la machine à laver - je comprends pourquoi.
On trouve donc un centre de dialyse au sein de la communauté, alors même que celle-ci abrite à peine un peu plus de 400 personnes. Aberrant non?
Ma vie dans le désert
Alors, je bois de l’eau de pluie que je filtre, en veillant à en boire bien plus qu’en temps normal au vu de la sécheresse de cet environnement hostile.
Matin et soir, j’applique délicatement un baume particulièrement gras sur ma peau dont chaque oubli se fait ressentir péniblement.
En dehors de ça, la météo est loin d’être insupportable à cette période de l’année : il faut beau, pas trop chaud, et venteux.
Chaque petit matin, j’ai la chance de voir le lever de soleil au travers la splendide fenêtre de mon salon.
Chaque soir, je peux admirer au travers cette même fenêtre les couleurs que laisse, derrière lui, le Soleil en allant se coucher.
Deux minutes de trajet me séparent du centre d’art, où j’ai l’immense chance de pouvoir contempler des oeuvres à longueur de journée - en cours de création comme finies - qui me transcendent jour après jour.
Ce travail me nourrit socialement, culturellement, intellectuellement, artistiquement mais également personnellement.
Car ici, je n’ai rien d’autre à faire que prendre soin de moi, en vaquant à mes occupations favorites. Je n’ai personne à fréquenter, et aucune distraction.
Si ce mode de vie a de quoi en effrayer certain(e)s, il m’apaise pour ma part profondément.
Depuis près d’un an et demi maintenant, j’ai appris à voir en la solitude, l’éloignement et l’absence, une immense vertu : celle de m’émerveiller des choses les plus simples.
L’odeur d’une tasse de café chaude.
La fraicheur d’une brise matinale.
La chaleur du soleil sur ma peau.
Le chant d’un oiseau.
Et le silence : ce bien si précieux, devenu si rare.
A ce jour, mon bonheur tient à très peu de choses : contempler, lire, écrire, parler aux gens que j’aime, mais surtout apprendre.
Car comme le disait Terence Hanbury White dans “L'Épée dans la pierre” :
“La meilleure chose à faire est d'apprendre. C’est la seule chose qui ne faillit jamais.
Peu importe que tu sois vieux, que ton corps soit faible et tremblant, ou que tes nuits soient hantées par l'insomnie, écoutant la maladie s'infiltrer dans tes veines.
Peu importe si tu as perdu ton unique amour, si tu vois le monde autour de toi dévasté par le mal, ou si ton honneur est piétiné dans les égouts des esprits les plus vils.
Il n'y a qu'une seule chose à faire : apprendre.
Apprends pourquoi le monde tourne et ce qui le fait avancer.
C'est la seule chose qui ne fatigue jamais l'esprit, qui ne l'aliène pas, qui ne peut être torturée, ni effrayée, ni intimidée, ni regretter.
Apprendre est tout ce dont tu as besoin : regarde tout ce qu'il y a à découvrir. »
Oh …. Pour le coup, te dire merci après que tu aies partagé une si incroyable story ( incroyable par la temporalité… on est vraiment des barbares nul doute !… ), semble bien désuet !!!
Il est 2:59 du matin, je viens de recevoir l’alerte magique ( des news d’Elea!!!!!) et j’ai déjà tout gloutonné, incapable d’attendre le petit jour pour butiner tes récits .
Apprendre, oui, toujours et encore,humblement, inlassablement , passionnément …
J’ai tellement de chance de t’avoir rencontrée !
Yama
« Ahimsa » la non-violence, « Satya » la véracité, « Asteya » l’absence de vol, « Brahmacharya » le contrôle des sens et la modération dans les désirs, « Aparigraha » la non-possession de biens et le détachement.
Niyama
« Saucha » la pureté, « Santosha » le contentement, « Tapas » l’austérité ou la discipline, « Svadhyaya » l’étude du Soi et du sacré, « Ishvara Pranidhana » la dévotion à ce qui est supérieur.
Enjoy la vie !!! 🙏
Salut Eléa,
Ton post met le doigt sur un truc fondamental. Dans notre monde où l'info fuse à toute vitesse, c'est devenu tellement plus simple de balancer une phrase du genre "ces gens ont souffert" que de prendre le temps d'expliquer en détail ce qu'ils ont réellement vécu. C'est un peu comme cette mode des livres de "développement personnel" : des condensés de deux pages qui veulent t'expliquer des sentiments ou des expériences qui demanderaient des volumes entiers pour être vraiment compris. C'est pas pour rien que depuis toujours, les écrivains et les poètes se sont cassé la tête à essayer de traduire des choses profondes. Souvent, c'est un seul bon exemple, une image forte, fait à la fin d'une histoire, à son climax, pas simplement des conseils banals et citations faites et refaites, c'est ça qui te fait sentir ce qu'est l'empathie.
Tu vois, dans les récits religieux, on a ça aussi. L'histoire de Yussuf (Joseph) dans le Coran, sourate 12, elle est parlante. Ses frères, jaloux, le jettent dans un puits. Il est récupéré par des marchands, vendu, adopté par la famille royale. La femme du Prince le désire, il refuse et finit en prison à cause de ça. Il y a encore d'autres étapes importantes dans son histoire, mais tout ça, quand tu le lis avec attention, ça te fait comprendre des choses sur la patience, la confiance en Dieu face à l'adversité, la pureté face à la tentation, bien mieux que n'importe quel discours moralisateur.
Tout ça pour dire qu'aujourd'hui, quand je lis ton article, j'ai parfois du mal à ressentir une vraie connexion émotionnelle, même si je comprends intellectuellement ce que ces communautés ont traversé. On dirait qu'on a perdu la capacité de vraiment contextualiser la souffrance. Certains se cachent derrière le "tout le monde souffre", d'autres font la compétition de celui qui a le plus morflé. Au final, à te lire, on entrevoit un peu l'étendue de leur peine et on se dit que la fin du tunnel est encore loin pour beaucoup d'entre eux. Ton approche, qui prend le temps d'expliquer sans simplifier, c'est ce qui permet de toucher une corde sensible.
Merci de nous partager cette réalité complexe.
C'est un cheminement nécessaire pour essayer de comprendre un peu mieux le monde qui nous entoure.
Bon courage pour le reste de ton aventure !